Autrice : Justine C.M.
J’ai eu beaucoup de mal à ne pas trouver un titre trop long. Je voulais aussi y caser le terme « extrême-droite », mais rien ne me convenait qui soit court, percutant.
Oui, un article politique sur mon site. Cela devait finir par arriver… Bien sûr, ce n’est pas la première fois que j’aborde un sujet brûlant. Notamment le fait que je parle de la Palestine, de la psychophobie systémique…
J’en vois certain.e.s lever les yeux au ciel, mais je pense vraiment que vous ne vous rendez pas compte de ce vers quoi on tend.
Je vais commencer par une phrase, dont je n’ai malheureusement pas trouvé l’auteurice malgré mes recherches (donc si vous le savez, n’hésitez pas à me le communiquer), à la base anglaise, mais qui existe aussi en français :
« Le chemin vers le fascisme est bordé de personnes qui vous disent d’arrêter de surréagir. »
Des propos comme : « Il ne faut pas exagérer », « Cela ne changera rien, tu verras », « On n’a jamais essayé », « Cela ne pourra pas être pire », j’en ai entendu à foison ces dernières semaines. J’ai aussi entendu que tout n’est que nuances.
En temps normal, j’aurais accepté et pris du recul. Il y a juste un tout petit paramètre que tout le monde oublie :
Il existe certaines façons de penser qui sont criminelles.
Ma première question va être celle-ci : comment a-t-on pu laisser faire la création d’un parti dont les origines sont clairement nazies ? Oui, je parle du RN, anciennement le FN. Oui, le FN a été fondé en se basant sur le MSI italien qui, à l’origine, était un parti néo-fasciste. Je vous laisse creuser vos recherches si cela vous intéresse.
Le fascisme n’est pas une opinion.
Aujourd’hui, nous en sommes au point où, comme dans d’autres pays européens, l’extrême-droite est aux portes du pouvoir. Je ne peux voir cela d’un bon œil, tout simplement parce que pour moi, l’extrême-droite est pour l’exclusion, la discrimination, l’oppression dans son essence.
Vous allez me dire : l’extrême-gauche aussi.
Alors allez-y : citez-moi un parti d’extrême-gauche influent en France. Je vous écoute.
La France Insoumise n’est pas une bonne réponse. C’est un parti de gauche, oui, avec ses problèmes, oui, et c’est son fondateur qui est problématique surtout. Quant à Hollande, je ne peux pas le classer à gauche ou même chez les socialistes compte tenu de la manière dont il a « gouverné » la France (et c’est lui qui a amené Emmanuel Macron au pouvoir). Comment ça, il n’est pas de gauche ? Allez, une petite chansonnette des Goguettes (en trio mais à quatre) : Je suis de droite.
Donc, reprenons : un parti d’extrême-gauche influent, qui flirte avec les idées de Staline, ou de Kim Jong Un.
Ne cherchez pas : il n’y en a pas. De parti assez influent pour qu’on en entende parler, je précise.
En revanche, ce que je vois, c’est que n’importe quel parti de gauche, y compris celui des socialistes, est d’office catalogué, classé comme… extrême-gauche. Vous ne voyez toujours pas où je veux en venir ?
La diabolisation de la gauche, sa fracture en plusieurs partis qui se prennent le bec entre eux – le Nouveau Front Populaire échappera-t-il à ces querelles insensées ? –, dure depuis des années, que dis-je, des décennies. Au profil de l’extrême-droite notamment, ou du fameux parti « ni de gauche ni de droite » de notre président actuel.
J’ai aussi vu circuler le fait que le parti nazi d’Hitler, le NSDAP, serait de gauche. Je vous renvoie simplement à cette vidéo qui débunke très bien ce raccourci : Non, les nazis n’étaient pas de gauche.
Les gens se tournent vers l’extrême-droite en occultant tous ces aspects et en oubliant les mécanismes qui ont conduit à la France de Vichy des années 40. Nous sommes en train de répéter exactement les mêmes erreurs, nous y sautons à pieds joints.
Hier, c’étaient les Juifs, les étrangers de tous bords n’ayant rien de « blanc », les homosexuels, les tziganes, les personnes handicapées qui étaient persécutées.
Aujourd’hui, ce seront toujours les mêmes groupes qui finiront par l’être. Et bien sûr, les grands oubliés : les enfants de l’ASE. Enfin là, ce n’est pas moi qui parlerai le mieux de ce sujet : Le RN préférerait les SDF aux immigrés.
Vous me dites : mais l’extrême-droite ne parle pas des personnes qui sont nées sur le sol français et qui sont intégrées.
Les Juifs des années 40 qui ont quand même fini dans les camps vous regardent. Beaucoup d’entre eux sont aussi nés sur le sol allemand, ou français, etc., et étaient aussi intégrés. Bon, et quitte à y aller encore plus fort, même si cela ne se passe pas encore chez nous, en France… Eh bien, les victimes des génocides du Congo, de la Palestine, les Ouïghours, etc. Eh bien ? Je vous écoute. Je suis toute ouïe.
Non, je ne mélange pas tout. Parce que la finalité est la même, mais tout le monde s’en tape.
J’en rajoute une couche, avec l’histoire de cette femme noire de 62 ans, qui a reçu ce courrier de la honte de la part de la division Marcel Bucard : Vous n’êtes plus la bienvenue. Et qui est Marcel Bucard ? Le fondateur du Mouvement franciste, groupe fasciste et collaborationniste. Donc les gens de cette division ont pour référence cet homme-là. Ils parlent de « restaurer l’atmosphère catalane d’antan », mais… c’est une blague ? Vous n’avez rien compris à l’esprit catalan justement, en fait ?
Allez-y, trouvez-moi une justification à ce courrier ignoble, décomplexé, raciste. Une remarque sur la date, qui montre que c’est une fakenews ? Deux hypothèses : soit c’est une faute de frappe, soit c’est tout simplement une référence à juillet 1934, avec la Nuit des longs couteaux. Honnêtement, je ne sais pas, mais arrêtez de dire que c’est une fakenews.
Et vous croyez vraiment que les personnes handi seront épargnées, que le RN va les aider ? Vous rigolez, là, j’espère ? Ou même les personnes âgées ? Que croyez-vous qu’il va se passer ? Les services d’aide à la personne sont en train de se casser la gueule faute de personnel et, surtout, faute d’une meilleure reconnaissance des métiers comme le mien. Tout comme les services publics, celui-là (qui est associatif, avec tous les inconvénients du privé et aucun avantage du public pour les salariæs), et d’autres dans la même veine, seront achevés par l’extrême-droite dans le plus grand des calmes, ne rêvez pas.
Vous pensez vraiment que le RN ne fera rien contre les personnes LGBTQIA+, à part leur supprimer le droit de se marier par exemple ? Et encore, c’est « soft », car l’on devine très bien la suite des événements. Non, sincèrement, dites-moi que j’ai mal compris ? Quand on voit que des manifestations comme La Manif pour tous existent, excusez-moi hein, mais…
Vous êtes naïfes de penser que l’extrême-droite sauvera la France et les Français, si tant que cela veuille bien dire quelque chose.
J’ai lu il y a quelques jours aussi qu’une liste de personnes ayant changé leurs noms d’état civil, pour X ou Y raisons, circulait parmi les partisans du RN. Je vous laisse en imaginer les conséquences. Vous vous en cognez si cela concerne des personnes transgenres, alors que merde, votre transphobie de merde là, hein… mais les autres cas de figure, vous croyez quoi ? Les personnes qui ont choisi de prendre un nom français, par exemple, pour avoir plus de chances d’être intégrées ? Non, ne me dites pas que celles-ci seront épargnées, ce n’est pas vrai. Pas lorsque les personnes concernées continuent d’être menacées de la sorte.
Et nous, les blancs, nous craignons – je m’inclus dedans, car j’ai plus un passing de blanche, en dépit de mes origines espagnoles et italiennes – qu’il nous arrive la même chose de la part des wokes ? À quel moment comprendrez-vous que nous ne dénonçons pas des gens, mais un système ? Un système qui écrase, qui tue des minorités ? C’est trop compliqué dans vos têtes ?
Ce n’est pas la dernière flinguerie que j’ai pu lire. Il est aussi question d’ôter la binationalité de certaines personnes. Vous ne voyez pas qu’il y a un os ? Ah bon… Retirer la bi-nationalité de personnes SWANA (Southwest Asian and North African, donc originaires du Sud-Ouest et d’Afrique du Nord), vous crierez : ouaaaaais, bravoooo ? Sauf que la bi-nationalité, c’est aussi d’autres pays, hein. Ne me faites pas les gros yeux, s’il vous plaît. Ah, le RN sélectionnerait ? Et au nom de quoi ? Comment cela s’appelle, alors ? Je vous aide : cela commence par FA et cela se termine par SCISME. On en parle aussi des personnes frontalières ? Non, ça ira ? Ah, je m’énerve, et cela vous énerve aussi ?
Dépensez votre énergie à vous remettre en question un peu.
Le fait d’avoir des divergences d’opinion, ce n’est pas le problème. C’est bien d’en avoir.
Le problème, c’est que le fascisme n’est pas une opinion.
Quand on commence à se dire « oui, mais il y a les bons étrangers et les mauvais étrangers », « Il y a des bons handi et des mauvais handi », « Il y a des bonnes personnes queer et de mauvaises personnes queer », euh… Il y a juste de bonnes personnes et de mauvaises personnes. Le fait d’être bon ou mauvais n’est pas défini par les origines de la personne, et/ou son handicap, et/ou le fait qu’elle soit LGBTQIA+.
Avec bien du mal encore, j’admets que je suis une personne sensée, « intelligente ». Je commence à détester ce mot, parce qu’il est utilisé par des personnes classistes et validistes, mais bon, à défaut, continuons de l’employer. Après, cette intelligence, elle me sert surtout à mettre en lumière ce que j’ignore. Aux personnes qui me répondent que la politique est complexe, qu’elles sont apolitiques ou autre : donner une chance à l’extrême-droite, ce n’est pas possible. Il n’y a pas besoin d’avoir fait des études pointues en politique, ou en géopolitique, ou en histoire, ou autre, pour avoir ce bon sens.
Après, je ne suis pas assez calée, même en tant qu’historienne (ma licence, ce n’est pas juste pour faire joli), pour prétendre vouloir vous ouvrir les yeux. En fait, vous avez déjà forgé votre opinion et ne voudrez sans doute pas revenir dessus. Vous lirez ce énième billet avec un soupir, puis retournerez allègrement dire que vous en avez marre de l’état de la France, que c’est la faute des étrangers, des gens au RSA qui ne veulent pas bosser et sont assistés, aux personnes handicapées qui en profitent, et blabla.
Vous savez quoi ? Je me suis déclarée apolitique, puis « ne me reconnaissant dans aucun parti », pendant des années. Mais je savais que mes valeurs étaient « bien à gauche ». Eh oui. Je me suis déclarée apolitique, mais la vérité est que je suis une artiste engagée, que je le veuille ou non, dès l’instant où à travers mes écrits, mon art tout entier, je laisse transpirer mes valeurs.
Je vous fais une autre confidence : moi aussi, j’en ai assez de beaucoup de choses, notamment de voir ma précarité s’accentuer, alors que je me tue au travail. Moi aussi, j’en ai assez de voir la casse des services publics. Mais, si l’on regarde bien, la casse des services publics, c’est l’extrême-droite qui en a été l’actrice dans les années quarante… et de nos jours. Eh oui.
Le fascisme, c’est aussi la privatisation à gogo.
La privatisation ne sauvera pas le secteur de la santé, de l’éducation, etc. C’est en train de nous détruire. Et ça, ce n’est pas la faute aux étrangers, aux assistæs, au wokisme, hein. Cette casse des services publics, elle a été assurée par nos chers gouvernements précédents (et, non, Hollande n’était pas socialiste, stop. Tout comme Macron n’est pas de gauche).
Mes valeurs, ce ne sont pas celles du RN. Ce ne sont pas celles de leur programme.
Je peux discuter avec des personnes ayant des opinions politiques différentes, mais pas avec celles qui embrassent les idées de l’extrême-droite (ou extrême-gauche, mais comme nous n’avons pas d’extrême-gauche influente en France, ahem, la question est réglée). Ces idées viennent quand même de personnes qui ont commis des génocides et qui ont été jugées de crimes contre l’humanité.
Mes ancêtres, qui ont fait le maquis, se sont battus pour nous libérer. Mon arrière-grand-père maternel a fui l’Italie de Mussolini.
Même sans tout cela, au plus profond de moi, je sais que même si comme tout le monde, je suis agacée par certaines choses, je ne pourrais pas me dire avec décence que : « C’est la faute des autres ». Les « autres » étant : les étrangers, les personnes au RSA, etc.
Vous serez toujours la personne étrangère de quelqu’un d’autre, l’assistæ de quelqu’un d’autre.
En revanche, je pointe du doigt un système capitaliste instable. Je pointe du doigt les multinationales. Je pointe du doigt les personnes très riches. L’argent, le pouvoir rendent avides, hélas.
En France, l’on dit que c’est la faute à la gauche si le pays est dans un sale état. Je rappelle que nous avons été gouvernés par quasiment que des hommes politiques et gouvernements de droite. Hollande n’était pas un président de gauche (vous en avez marre de lire ça ? Excusez-moi d’énoncer des faits). Allez, à la limite, Mitterrand, même si dans les faits, seul son premier mandat était correct.
Quant à Macron : sérieusement ? Un président de gauche, lui ? Plus personne n’y croit, même les macronistes eux-mêmes. Après, Macron n’est pas le seul responsable de la précarisation des classes moyennes, populaires, pauvres et très pauvres. Il a terminé en beauté ce qui avait été entamé depuis des décennies.
Enfin, je voudrais adresser un mot aux personnes engagées à gauche : arrêtez d’être classistes, psychophobes, et tout ce qui s’ensuit. Les « Oh, tel candidat est fol.le », « Normal que ça vote RN, ce sont des gens sans diplôme/éducation/etc. », ça suffit. Vous ne faites que jouer le jeu de l’extrême-droite justement. Et se rabaisser à des attaques ad hominem et consorts, ce n’est pas valoir mieux. De plus, on ne vous entend pas parler beaucoup de certains sujets, comme la façon dont sont traitées les personnes handi psy, ou de la sacro-sainte ASE, ou de l’ADAPEI, des foyers, de l’ESAT de la honte, hein. Oui, je me permets.
De plus, je tiens à signaler que ce sont les gouvernements de ces dernières années qui ont contribué à l’inaccessibilité de plus en plus croissante à tout ce qui est culturel, école, etc. Il faut vendre un rein maintenant pour aller voir une pièce de théâtre ou acheter un livre, par exemple.
Précariser la population non aisée, c’est aussi faire en sorte que ladite population ne réfléchisse pas par elle-même. Il est facile de traiter les gens de moutons ensuite. Il ne faudrait surtout pas que le peuple développe un esprit critique…
Enfin. Maintenant que j’ai bien salé tout le monde, revenons à nos mout… euh, nos élections.
Là, à l’heure actuelle, il faut arrêter de se tirer dans les pattes. Le « C’est la faute à machin », il faut dépasser. Moi la première. Faire barrage, j’en ai marre aussi, et je suis la première à dire que cela ne sert à rien. En revanche, jamais je ne donnerai ma voix à l’extrême-droite. Ah, une chose : je ne veux pas entendre de « C’est la faute des abstentionnistes/des gens qui n’ont pas voté correctement ». Vous faites exactement ce qui fait la richesse du RN : la délation, la discrimination.
D’ailleurs, avant les années 40, c’est par ces mêmes mécanismes – donc tout ce que j’ai expliqué plus haut – que le fascisme est arrivé au pouvoir.
Le fait de penser, de dire que certaines personnes d’origine étrangère/non hétéro/non blanches/handi ne devraient pas avoir les mêmes droits que les autres, c’est du fascisme.
Vouloir pointer du doigt l’immigration comme responsable de tous les maux de notre pays, c’est du fascisme, même si vous ne le voyez pas ainsi.
Je tiens à rappeler aussi que si le vote blanc était vraiment comptabilisé comme tel, alors l’on aurait bien plus d’abstentionnistes qui voteraient. Imaginez, une majorité relative de votes blancs… Oui, ça balaierait tout l’échiquier politique. Et ça, nos politiques ne le veulent pas, pour les raisons que l’on connaît.
Je ne dis pas que j’ai une solution pour que les violences s’arrêtent. En revanche, il serait bien d’arrêter de dire que ce sont les étrangers qui en sont tous responsables ou, comme je l’entends dire, une grosse majorité. Il serait bien d’arrêter de dire que c’est la faute des assistæs, etc. Oui, je me répète, mais peut-être que ça rentrera dans votre crâne et y restera ? Oh, je me fais des illusions, je sais. Laissez-moi rêver un peu.
Là, je vais parler en mon nom : ce ne sont pas tous ces gens-là, que vous stigmatisez, qui sont responsables de la précarisation de ma vie. Ce ne sont pas eux qui sont en train de me « tuer » à petit feu. Ce ne sont pas eux qui appauvrissent mes ressources.
Voilà. Est-ce que j’ai été bien claire ?
Enfin, en tant que femme, avec un handicap psy au minimum, je crains pour ma peau si l’extrême-droite passe. Parce que parlons de la condition des femmes aussi. J’aurais dû le faire avant, mais il n’est jamais trop tard. Le droit à l’avortement, le droit de vote, avoir notre indépendance… Vous croyez que l’extrême-droite va vous les laisser ? Que nous n’allons pas voir nos droits reculer ? Je dis ça, je ne dis rien, mais ça commence déjà… Oui, oui, en France. Après tout, en 2024, c’est toujours notre faute si l’on se fait agresser. Bon, j’arrête-là, je vais encore partir dans tous les sens sinon. Ah, c’est déjà le cas, trop tard…
J’ai peur. Et encore, je ne suis pas la personne plus « à risque » pour l’instant.
Aujourd’hui, si vous aimez un tant soit peu la France, si vous aimez vos proches, qui pourraient être concernæs par les mesures liberticides – ou pire encore – du RN, alors réfléchissez deux secondes. Juste ça.
J’ai juste une dernière question pour vous : croyez-vous vraiment que vous serez épargnæ ?