Le texte qui suit est une nouvelle écrite et partagée par Justine CM (que vous pouvez retrouver et suivre sur Twitter : https://twitter.com/Justine_CM_, FaceBook https://www.facebook.com/Justine.cm.autrice/ ou encore Instagram :https://www.instagram.com/justine_cm_/) dans le cadre du Fantastique Challenge 2022.
L’ensemble des droits appartiennent à Justine CM exclusivement.
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Et surtout, bonne lecture !
PREMIERE PARTIE : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-justine-cm–1-11
PARTIE PRECEDENTE : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-justine-cm-9-11/
Esver
***
Le silence. Une sensation de paix comme elle n’en avait jamais connu. Le gris morne de sa vie, plus jamais. Plus d’angoisse, plus de chagrin, plus de souffrance. Elle était libre.
Elle était morte.
— Enfin réveillée.
Un sursaut ; un tic déforma son visage. Le parfum des glycines, elle le sentait. Rêvait-elle ?
Marina ouvrit des yeux apeurés et confus. Sous sa main, son cœur battait de manière erratique.
Un papillon pigmenté se posa sur son front, elle l’en chassa avec un geste paniqué et se redressa.
Le vertige la gagna quelques secondes.
Non, elle n’était pas morte. Monestre Arbre-en-ciel était toujours à ses côtés, dans la clairière aux pavots noirs. Qu’attendait-il ?
La voix féminine au sein de son esprit confirma ses impressions.
— Tu as dormi longtemps.
Trop sonnée pour réagir, Marina se rencogna dans la résignation. C’était soit ça, ou soit elle sombrait dans la folie – si ce n’était pas déjà le cas.
OK. Il y a une voix dans ma tête, en plus du reste.
Marina battit des paupières, dévisagea Monestre Arbre-en-ciel avec crainte. Son regard mauve demeurait fixé sur elle ; une légère odeur de pluie lui chatouilla le nez.
Que se passait-il, à la fin ? Le renard et Monestre Arbre-en-ciel avaient les mêmes yeux…
— Ul s’est fait du souci.
— Ul ? Qui c’est, Ul ?
Marina renifla de dépit. Voilà qu’elle répondait à la voix dans son esprit comme si elle était réelle…
— Je suis réelle ! Tu me vexes, là. Ensuite, je parle de Monestre Arbre-en-ciel. Ul est son pronom.
Son pronom ? Elle grimaça et secoua la tête, perdue. Le bras de Monestre Arbre-en-ciel se déploya vers elle et lui tendit un objet recouvert de peaux colorées.
— Tiens. Bois, ton corps doit se remettre de cette épreuve.
Malgré son hébétude, Marina finit par s’en saisir et avaler son contenu – sucré, doux, ce qui calma sa gorge douloureuse et comme atrophiée. S’il… S’ul avait voulu la tuer, ul l’aurait fait depuis longtemps.
— Pourquoi m’avez-vous fait ça ? souffla-t-elle d’une voix rauque, après avoir posé la gourde au sol.
— Non, ul n’est pas responsable de l’attaque des psychépeires et des onirisumènes.
— Que…
— Tu es sur Gê, dans l’Interne. Tu vivais dans l’Externe.
— Stop, ma tête…
Monestre Arbre-en-ciel abaissa la lourde capuche doublée et montra un visage pâle, aux joues creuses, aux lèvres à peine esquissées et aux cheveux turquoise. Elle articula d’un ton éraillé :
— C’était vous, le renard…
— Oui. J’ai essayé d’attirer ton attention plusieurs fois, mais ta peur a pris le dessus. Les paroles de ton père t’ont aussi perdue.
— Expliquez-moi, ordonna-t-elle, au bord des larmes cette fois. La voix en elle s’était tue.
Un soupir échappa à Monestre Arbre-en-ciel.
— Tu peux m’appeler Helv. Ici, tu es sur Gê. C’est le monde Interne de la Terre.
Marina accusa le coup.
— Je vais aller au plus simple : nous ne sommes ni dans le domaine des dieux, ni dans l’audelà, ni dans une autre dimension. Oui, nous sommes plus ou moins dans ce que ton père nomme les « contrées oniriques ». Elles représentent juste un lieu sur Gê. Tu es à Esver, et il s’agit de mon refuge. Je ne suis pas là pour te tuer, mais pour t’aider à développer tes spiritès. Il y en a eu d’autres comme toi.
— Mon père ?
Helv soupira.
— Il ne se serait pas noyé, il aurait franchi la frontière invisible entre la Terre et Gê. Son séjour en hôpital psychiatrique et son traitement actuel ont réussi à enrayer le mécanisme d’éveil de ses spiritès. Je ne sais pas s’il se débloquera un jour…
Marina jeta un coup d’œil torve aux pavots noirs qui les entouraient. Un des papillons pigmentés se posa sur son bras, y remonta – le chatouillis de ses pattes provoqua un bref instant de peur à Marina, qui se ressaisit. Non, ce n’était pas une araignée. Un sourire fleurit les lèvres d’Helv.
— Ton père avait une certaine vision de son jardin secret, et toi une autre. En fait, avec mon pouvoir sur le rêve, j’attire les personnes rêveuses comme vous à Esver en titillant cette vision. J’ai la mienne, aussi. Esver est un endroit très singulier, mais un des meilleurs bastions de protection.
Marina déglutit.
— Je ne pourrai plus revenir chez moi ?
Tristement, Helv secoua la tête.
— Non.
De gros sanglots agitèrent la poitrine de Marina. Avec douceur, Monestre Arbre-en-ciel lui attrapa les mains et les serra entre les siennes.
— Et les araignées, alors ? Si ce n’est pas vous qui en êtes à l’origine, pourquoi les jaunes s’en sont-elles prises à moi ?
— Depuis un certain temps, l’équilibre entre l’Interne et l’Externe est menacé par une entité nommée Kao. Elle se terre dans la Forêt d’Iners, un autre lieu de Gê, là où tout est figé pour l’éternité. Kao se nourrit de son essence pour fragiliser la planète tout entière. Il faut des personnes comme toi et moi pour tenter d’y remédier. Je te résume, car en réalité, c’est beaucoup plus compliqué.
— Et un spiritès, c’est quoi ?
— Un « pouvoir » ou un « don ». Je m’appelle Leïla, je suis le spiritès de la terre. Les psychépeires et les onirisumènes viennent de la Forêt d’Iners. Elles n’en sortent jamais, mais Kao en a pris le contrôle. Lorsque le venin des onirisumènes s’est introduit en toi, ça m’a réveillée. Je t’ai sauvée, avec Helv. Les psychépeires, elles, ont projeté sur toi des fils invisibles qui ont permis de te restreindre le temps que les onirisumènes t’atteignent. Voilà pourquoi tu t’es sentie ralentie.
— Je pense que ton spiritès a répondu à ta question.
Marina acquiesça. L’air perdu, elle souffla :
— Je… Je ne peux pas laisser un mot à mes parents ? Les rassurer ?
— Non. Ils voudraient rechercher ta trace, et ce n’est pas envisageable.
— Mais leur faire croire que je suis morte n’est pas bien non plus ! Ils vont souffrir…
— Je suis désolé. Tu les reverras quand tu seras capable de te défendre. Tu pourras alors naviguer entre l’Interne et l’Externe.
Sur ce maigre espoir, Marina sanglota. Helv relâcha ses doigts.
— Je t’aiderai du mieux que je peux. Allez, relève-toi. Nous restons à Esver, mais je t’emmène dans mon jardin secret cette fois.
— Je suis là, moi aussi, ainsi que les autres spiritès qui dorment en toi.
Avec lenteur, Helv tendit la main à Marina.
— Viens. Tu as besoin de te reposer après ce qu’il s’est passé, et ce qui t’attend par la suite ne sera pas facile.
Marina hésita ; elle pouvait s’enfuir, Helv ne la retiendrait pas. Pour aller où ? Et comment rentrer chez elle ? Elle se perdrait sur Gê et mourrait à coup sûr.
— Oui. Je confirme.
Le cerveau embrumé et le corps encore rompu par les morsures des psychépeires, Marina finit par attraper la paume du Monestre Arbre-en-ciel. Dans un silence tout aussi ouaté, ils quittèrent la clairière aux pavots noirs et aux papillons pigmentés.
A suivre… ici : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-justine-cm-11-11/
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