[Fantastique Challenge, Mythes et Légendes] La nouvelle de Mirabelle Aurea ! 7/7

Le texte qui suit est une nouvelle écrite et partagée par Mirabelle Aurea (que vous pouvez retrouver et suivre sur Twitter : https://twitter.com/LilFlyingSeal ou encore Instagram : https://www.instagram.com/daughterofriversandbones/) dans le cadre du Fantastique Challenge 2022.

L’ensemble des droits appartiennent à Mirabelle Aurea exclusivement.
N’hésitez pas à commenter et surtout à rejoindre le challenge à votre tour !

Et surtout, bonne lecture !

PREMIERE PARTIE : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-mirabelle-aurea-1-7/

PARTIE PRECEDENTE : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-mirabelle-aurea-6-7/


Hékate

***

Thanatos entra dans la maison. Il n’avait pas besoin de clé ou qu’on lui ouvre, car il était celui pouvait aller partout même si on ne voulait pas de lui. C’était son droit immuable depuis des siècles et il le savait.
Seul l’acharnement d’Hékate l’avait empêché d’entrer plus tôt. Il se dirigea vers le salon où il trouva le Vieux Monsieur. Il était assis sur son fauteuil, une main sur son livre ouvert posé sur ses genoux, la tête légèrement penchée sur le côté, les yeux clos, comme s’il s’était endormi. Mais sa poitrine ne se levait pas et ne se baissait pas au rythme lent de sa respiration. Avec soin le Jeune Homme prit le livre, en marqua la page et le referma avant de le poser sur la petite table à côté du vase contenant la fleur noire.

Quand une femme d’âge mûr entra à son tour dans la pièce, il ne prit même pas la peine de se retourner.

— C’est terminé ? demanda-t-il simplement.

La femme s’approcha à son tour. Comme toujours, elle portait cette robe noire qui lui donnait l’air d’une veuve de l’époque victorienne. Comme toujours, elle s’était parée de bijoux en argent venus des trésors de rois depuis longtemps oubliés. Comme toujours, ses cheveux noirs étaient coiffés en un simple chignon qui contrastait avec le reste de sa mise.

— Il est enfin avec sa femme. Il est heureux.

Avec douceur, elle retira ses lunettes au vieil homme et le plaça sur le livre.

— C’était un de tes adeptes ? Il ne me semble pas avoir vu son nom dans le registre de tes initiés.

— Pas lui, son épouse.

Hékate montra d’un geste la porte close du bureau où son portrait était accroché au mur. Le dieu de la mort leva un sourcil.

— Elle avait fait un vœu. Elle voulait voir fleurir cette rose et lui donner mon nom.

D’un geste délicat, la déesse passa un doigt orné d’une bague byzantine sur les pétales noirs et soyeux de la rose. Elle se tourna ensuite vers le Jeune Homme.

— Et toi, mon cousin, tu es venu la chercher avant que son vœu ne soit réalisé, sans me consulter, ni consulter mon registre.

Thanatos leva les mains en signe de défaite. Il lui arrivait parfois de ne volontairement pas tenir compte du petit signe à côté d’un nom sur le registre des mortels. Généralement, les autres dieux qui entretenaient des mystères ne lui en tenaient pas trop rigueur et il essayait d’être plus « attentif » les fois suivantes.

— Peu importe, continua la déesse, j’ai simplement procédé à un échange avec l’accord des Moires. Grâce à ton « étourderie », cet homme a gagné une éternité dans les Champs Élyséens auprès de son épouse au lieu de l’attendre seul dans le Champ des Asphodèles avant de boire l’eau du Léthé.

Un léger sourire étira ses lèvres. Elle avait prononcé le mot « étourderie » en insistant un peu, montrant qu’elle n’était pas dupe, mais qu’elle estimait qu’elle avait largement gagné au change.

— Thanatos, très cher cousin, ne fait pas cette tête. C’est de bonne guerre.

Le dieu haussa les épaules avec l’air d’un adolescent buté qui venait de comprendre que ses parents l’avaient bien roulé dans la farine. Il était connu qu’il était mauvais perdant, surtout si on le prenait à son propre jeu.

— Tu sais, au départ je croyais que tu avais envoyé un de tes gardiens, je n’avais pas pensé que tu puisses te déplacer toi-même pour ça, cousine.

Hékate eut un petit rit qui sonna comme une cloche dans la nuit.

Je te connais Thanatos. Si je n’étais pas venue moi-même, tu l’aurais emporté il y a quelques mois comme cela était prévu sans respecter le gardien que je lui aurais envoyé. Dois-je te rappeler que tu as essayé de me tuer cette nuit-là ?

Le Jeune Homme fit semblant de ne pas relever.

— En tout cas, dit-il pour détourner la conversation, il ne saura jamais à quel point il était bien tombé en te nommant comme il l’a fait.

La déesse eut un sourire énigmatique.

— Qui sait ?

Elle plaça le livre bien correctement sur la petite table, cala la tête du vieil homme contre l’appui-tête du fauteuil dans un geste d’une étonnante tendresse et contempla son œuvre, satisfaite.

— Je te souhaite une bonne journée, Thanatos qui ne dort jamais.

Et, après avoir gracieusement inclinée la tête, Hékate, qui fut pendant un an la fidèle compagne du Vieux Monsieur, quitta la pièce et disparut. Thanatos resta seul à contempler l’encadrement vide de la porte, puis il poussa un soupir. Comme il était un dieu moderne, il sortit un téléphone de la poche de son grand manteau noir et composa un numéro. Il attendit qu’on décroche à l’autre bout et quand l’opératrice lui demanda ce qu’il voulait, il énonça d’une voix lasse :

— Bonjour. Je crois qu’il est arrivé quelque chose à mon voisin. Cela fait deux jours que je ne l’ai pas vu faire sa promenade quotidienne avec son chien.

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