[Fantastique Challenge, Mythes et Légendes] La nouvelle de Mirabelle Aurea ! 3/7

Le texte qui suit est une nouvelle écrite et partagée par Mirabelle Aurea (que vous pouvez retrouver et suivre sur Twitter : https://twitter.com/LilFlyingSeal ou encore Instagram : https://www.instagram.com/daughterofriversandbones/) dans le cadre du Fantastique Challenge 2022.

L’ensemble des droits appartiennent à Mirabelle Aurea exclusivement.
N’hésitez pas à commenter et surtout à rejoindre le challenge à votre tour !

Et surtout, bonne lecture !

PREMIERE PARTIE : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-mirabelle-aurea-1-7/

PARTIE PRECEDENTE : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-mirabelle-aurea-2-7/


Hékate

***

Le printemps fit place à l’été et les roses du jardin se mirent à babiller joyeusement au soleil tout en se balançant dans la brise.
Chaque jour, le Vieux Monsieur et Hékate allaient se promener dans la forêt. Ses voisins et même la Dame qui Venait pour le Ménage avaient noté qu’il semblait plus joyeux depuis que la chienne était arrivée chez lui. Personne, donc, n’avait fait de remarque sur le fait qu’au fond on ne savait pas d’où venait l’animal. Elle était au Vieux Monsieur maintenant, et il semblait avoir retrouvé une seconde jeunesse. Elle lui suivait partout où il allait. Quand il partait faire ses courses, elle l’attendait sagement assise à l’entrée des magasins et quand il s’occupait de son jardin, elle l’aidait à sa façon. Elle grattait la terre au pied des plantes et des arbustes, poussait l’arrosoir de son museau ou s’allongeait simplement à côté de lui.

Le Vieux Monsieur accordait une attention particulière à un pied de rosier qui se trouvait sous la fenêtre du bureau de son Épouse. Ses tiges étaient d’un vert sombre, légèrement luisant, ses feuilles veloutées et fines comme de la dentelle. Il se balançait doucement dans la brise tiède, mais, contrairement aux autres plantes du jardin, il ne portait aucun bourgeon, aucune fleur. Parfois, le Vieux Monsieur le regardait avec inquiétude, un pli barrant son front ridé. Il faisait tout ce qu’il pouvait, s’aidant des carnets de feue sa femme ou de livres trouvés ici et là, mais le buisson s’obstinait à ne rien donner d’autre que des feuilles et à pousser plus haut.

Malgré son aspect imposant et intimidant, Hékate était d’une très grande douceur. Elle n’aboyait jamais quand quelqu’un passait devant son portail, au contraire du Petit Roquet qui habitait plus bas dans la rue, et quand les enfants qui allaient à la Mare l’appelaient, elle venait doucement renifler leurs mains tendues et donnait sa tête pour avoir une caresse. Tout le monde disait qu’elle était fort sympathique, jusqu’à l’arrivée du Jeune Homme.

Dans la forêt, les premières feuilles avaient pris leurs habits d’automne et l’air s’était rafraîchi quand il s’était installé un beau matin dans la Rue qui Monte sans que personne n’ait vu un camion de déménagement. Il était discret, on le voyait parfois rentrer chez lui le soir, mais à part un signe de tête et un bonjour, il ne parlait pas aux gens qu’il croisait et personne ne savait ce qu’il faisait ou pourquoi il avait choisi le Village pour s’y installer. Un après-midi, alors que le Vieux Monsieur et Hékate rentraient de leur promenade dans la forêt, ils le croisèrent au Carrefour des Trois Routes. Il se tenait là, immobile, comme s’il attendait quelque chose ou quelqu’un. Le Vieux Monsieur le salua d’un signe de tête et le Jeune Homme lui sourit et fit un pas en avant. Au loin, on entendait une voiture qui semblait venir d’Ailleurs. Peut-être qu’elle roulait un peu trop vite pour une si petite route de campagne. Pour la première fois depuis que le Vieux Monsieur la connaissait, Hékate se hérissa et poussa un grondement sourd et menaçant qui fit s’arrêter net le Jeune Homme. La voiture émergeant de la côte les trouva comme ça, au milieu du carrefour et ralentit avant de les dépasser prudemment.

Le Vieux Monsieur regarda la chienne, étonné.

— Et bien ma grande, toi qui es si gentille d’habitude… je suis désolé monsieur.

L’autre secoua la tête et leva une main, indiquant qu’il ne s’en offusquait pas.

— C’est un bien beau chien que vous avez là, et il semble être très attaché à vous.

Confus, le Vieux Monsieur regardait Hékate qui grondait toujours et montrait légèrement les crocs.

— Je ne comprends pas. Elle n’est jamais comme ça.

Le Jeune Homme sourit.

— Ce n’est pas grave.

Il hésita encore un peu, fixant la Grande Chienne Noire avec intensité. Puis finalement, il les salua.

— Je vous souhaite une bonne journée, dit-il en quittant le carrefour pour prendre la route d’Ailleurs.

Les poils sur l’échine d’Hékate s’abaissèrent lentement et la chienne s’ébroua. Elle trottina vers le Vieux Monsieur et, avec un gémissement inquiet, elle glissa délicatement son museau noir et doux contre sa main aux doigts fragiles et marqués par le temps et les travaux du jardin. Il flatta sa tête de son autre main.

— Bien sûr que je ne t’en veux pas, ma belle. Mais il ne faut pas grogner comme ça contre les inconnus qui n’ont rien fait.

La Grande Chienne Noire soupira en le regardant de ses yeux sombres et expressifs. Pendant quelques secondes, il eut l’impression qu’elle essayait de lui dire quelque chose, ce qui était totalement absurde. Si Hékate était de toute évidence un chien très intelligent, elle n’en était pas non plus au point d’essayer de communiquer avec lui.

Finalement, la chienne sembla renoncer et elle s’ébroua de nouveau, avant de se mettre en marche pour rentrer à la maison. Le Vieux Monsieur resta là encore un peu au milieu du Carrefour des Trois Routes, perplexe, puis il emboîta le pas à Hékate, peut-être plus lentement qu’à l’accoutumée. Sur la route, il n’y avait plus de voiture.

A suivre… ici : https://sociolution.org/fantastique-challenge-mythes-et-legendes-la-nouvelle-de-mirabelle-aurea-4-7/

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